Au XIXe siècle, comme sous l'Ancien Régime, il n'existe aucune structure à Cholet pour accueillir les filles mères pendant leurs couches. Elles doivent se rendre à Angers dans des conditions souvent extrêmes. C'est par humanité que le Conseil Municipal décide, en 1797, d'aider la jeune Laurent, pourtant étrangère à la ville, en la plaçant chez Ursule Guinefoleau veuve Berson, sage-femme, aux frais de l'administration militaire.
Délibération Municipale, 24 frimaire an V
"S'est présentée la citoyenne Jeanne Laurent âgée de 23 ans, blanchisseuse, demeurant au bourg de Cerisaye, département des Deux Sèvres, laquelle a déclaré etre enceinte d'environ huit mois et demi que dans l'espérance d'aller faire ses couches à Douay, elle est sortie de Cerisaye ou elle n'avait aucun secours à attendre ; mais que cette espérance cesssant par les renseignements postérieurs qu'elle a pris, et craignant d'avoir atteint le terme de son accouchement avant d'avoir pu trouver un logement et les secours indispensables dont elle a besoin dans sa position, elle prie l'administration de prendre pitié d'elle et lui procurer les moyens de faire ses couches avec sureté sans qu'elle soit obligée de faire de dépenses parcequ'elle n'a absolument aucune faculté pécuniaire. L'administration délibérant sur cette déclaration prenant en considération la position critique dans laquelle se trouve cette fille, et pensant que les administrateurs ne peuvent sans inhumanité et sans manquer à leurs devoirs lui refuser les secours qu'elle réclame, a arrêté, après avoir entendu le commissaire du Directoire Executif, premièrement que la citoyenne Laurent sera logée jusqu'à ce qu'elle ait fait ses couches et qu'elle soit parfaitement rétablie chez la citoyenne veuve Berson demeurant en cette commune quartier de Rousselle laquelle citoyenne appellée et présente a consentie recevoir cette fille moyennant un salaire de quatorze francs deuxiemement que le fournisseur des vivres pain et viande aux militaires fournira à la dite citoyenne veuve Berson pour la citoyenne Laurent tant qu'elle sera chez elle ou jusqu'à nouvel ordre trois quarterons de viande et une livre et demie de pain par chaque jour, sur bons délivrés par l'administration ou visés par elle"
Lettre du maire aux fournisseurs des vivres, pain, viande et du bois des militaires, 24 frimaire an V
« Citoyens, nous vous prévenons que nous venons de prendre une délibération dont une disposition porte qu'il sera fourni à la citoyenne veuve Berson de cette commune pour la fille Laurent une ration de bois, une ration de pain et rois quarterons de viande par jour, jusqu'à nouvel ordre, sur bon délivrés par nous, tous les deux jours, nous vous invitons à vous y conformer et à faire en sorte que cette citoyenne n'éprouve ni refus, ni désagrément dans ses demandes »
Lettre du maire aux administrateurs du département de Maine et Loire, 25 frimaire an V
« Citoyens, nous vous faisons passer expédition d'une délibération que nous venons de prendre et que nous soumettons à votre approbation. Elle a pour objet le placement aux frais de la République ou du département, d'une fille prête à faire ses couches. Deux choses sont à remarquer dans cette délibération : 1 la fille dont il s'agit n'est pas de notre canton, elle n'est même pas du département de Maine et Loire ; 2 nous avons arrêté entre autres choses que les fournisseurs militaires fourniroient chaque jour à cette fille une ration de bois, une ration de pain, et trois quarterons de viande.
D'abord sans décider si nous devions recevoir et faire soigner la fille Laurent habitante d'un autre canton et même d'un autre département nous avons cru ne pouvoir nous en dispenser parce quelle se trouvoit dans un abandon absolu sans aucun moien pécuniaire, et hors d'état de retourner chez elle. Relativement à l'ordre que nous avons donné aux fournisseurs militaires, avions nous le droit de prendre cette détermination ? C'est une question que nous vous prions de décider ; mais dans le cas ou nous ne l'aurions pas, veillez nous dire quel parti nous devions prendre, quel moyen nous devions emploier ; car vous n'ignorez pas qu'il n' y a à Cholet ni aux environs hospices civils ; et que nous n'avons aucuns fonds à notre disposition ni pour ce genre de dépense, ni pour d'autres. Nous avons été instruits depuis hier que cette fille a la galle, ce qui nous a déterminé porter à 14 livres le salaire de la veuve Berson chez qui elle est logée »
Lettre du maire de Cholet aux administrateurs du département de Maine et Loire, 8 nivose an V
« Lorsque nous avons pris notre délibération du 24 frimaire relative à la fille Lorent enceinte, nous ne nous sommes pas dissimulé que quelques unes de nos déterminations n'étaient pas réguliaires, et nous vous avons fait part de nos doutes, dans notre lettre . Mais nous vous avons dit en même tems, les raisons qui nous avaient décédés. Nous vous avons observé d'abord que cette ville était dans un état à ne pouvoir être transporté sans de grands risques; et ensuite, que n'ayant par devers nous aucune ressource et obligés cependant de procurer à cette malheureuse des secours indispensables et pressants. Nous ne pouvions guère faire autrement que nous n'avons fait.
Nous allons citoyens arrêter les fourniments faits jusqu'à ce jour par les fournisseurs militaires, et nous vous faisons passer le certificat de pauvreté dont parle votre arrêté. Nous vous prions de ne pas perdre de vue que la fille Lorent ne peut subsister que des secours qui lui seront fournis, et que quelques jours de retard peuvent lui être infiniment funestes.
Permettez citoyens administrateurs que nous vous fassions deux observations sur cette affaire.
La situation des administrateurs municipaux est bien embarrassante lorsqu'ils se trouvent pas des circonstances non prévues placés entre l'obligation d'agir selon les règles et l'obligation non moins forte de prendre des moyens pour sauver une infortunée sur le point d'être mère. Si nous eussions, lorsque la fille Lorent s'est présentée, décidée qu'elle fut rendu à Angers, outre les difficultés que nous eussions éprouvées, il est possible, il y a lieu de croire même qu'elle n'en eut pas eu la force et dans ce cas que serait telle devenue ?
Nous savons que les filles enceintes qui se présentent à la maison établie à Angers pour elle, en sont reçues qu'à l'instant de faire leurs couches, et nous en avons vues qui ont été obligées de retourner chez elle accoucher, parce qu'on exigeait qu'elle se missent en chambre garnie pour attendre le jour de l'accouchement. L'établissement en question en peut donc être utiles qu'aux femmes d'Angers et des environs et non à celles de nos cantons éloignés »
Lettre du maire de Cholet aux administrateurs du département de Maine et Loire, 12 ventose an V
« Nous vous faisons passer ci joint un certificat qui atteste l'indigence de la citoyenne Louise Laurent et qu'elle est mère et nourrice d'un enfant mâle naturel [Louis]. Nous vous prions de ne pas tarder à lui faire toucher les secours bienfaisants que la loi lui accorde, ainsi qu'aux autres nourrices d'enfants de la Patrie dont nous vous avons fait passer le tableau et les certificats d'indigence prescrits par vos arrêtés »
Archives Municipales de Cholet, correspondance du Maire
Naissance de Louis Laurent, 26 pluviose an V, Cholet
"Aujourd'hui vingt sixieme jour de pluviose cinquieme année à onze heures du matin par devant moi Francois Menard du Coudray membre de l'administration municipale du canton de Cholet, élu le vingt un vendemiaire dernier pour dresser les actes destinés à constater les naissances mariages et décès des citoyens, est comparue en la salle de la maison commune Jeanne Laurent domiciliée de Serizai, département des Deux Sèvres, laquelle assistée de Ursule Guinefoleau veuve Berson agée de trene quatre ans domiciliée en cette commune et de Louise Manseau femme Chupin agée de cinquante deux ans domiciliée aussi de cette commune, declaré à moi Francois Menard du Coudray qu'elle est accouchée le six du présent mois dans la maison de la citoyenne veuve Berson d'un enfant mâle qu'elle m'a présenté et au quel elle a donné le prénom de Louis, d'après cette déclaration que la veuve Berson la citoyenne Chupin ont certifiée conforme à la vérité et la representation qui m'a été faite de lenfant dénommé, j'ai rédigé en vertu des pouvoirs qui me sont délégués le présent acte. Les deux témoins et la mère de l'enfant ont déclaré ne savoir signer"
Archives Municipales de Cholet, état civil